
Nanuq in Disko Bay
Nanuq 2015 : Danemark - Norvge - Fair Isle - Féroés
- Islande - Groenland
Etape 6 : carte
Etape 5 : carte
Etape 4 : carte
Etape 3 : carte
Etape 2 : carte
Etape 1 : carte
ETAPE
6 : 580 milles : équipage 6 : 10 jours |
 |
Source fond : Atlas du Canada
- La région circumpolaire Nord - atlas.gc.ca
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Etape
6 : Arrivée à Qaanaaq (9 septembre
2015)

Qaanaaq, Inglefield Bredning, 77°28' N. Voir le Arina
Arctica au mouillage, dernier cargo de ravitaillement
avant l'hiver (photo Peter Gallinelli)
Qaanaaq(*), le 9 septembre, arrivée
à destination au terme de la 6ème et dernière
étape de ce grand premier chapitre, lieu imaginé
et revé depuis longtemps. D'y être nous semble
encore irréel. Nanuq tire sur son ancre dans son mouillage
à quelques encablures du village, à l'abri des
glaces, mais pas du vent glacial qui descend de l'inlandsis
(***). Nous vivons notre première neige fraîche
sur le pont. Malgré que nous ne chauffons pas il fait
agréablement chaud et bon vivre dans notre 'iglou
passif'.
Au compteur 4700 milles nautiques (~7500
km). Ces milles n'ont rien à voir avec le déplacement
en avion devenu l'outil standard pour zapper d'un lieu à
un autre. Nous avons négocié chaque vague, profité
de chaque brise, contourné de nombreux caps et aperçu
des milliers de points de vues uniques sur de multiples pays.
Nous avons eu nos moments d'attente, de doute et de fatigue,
de plaisir et d'émerveillement, de découverte
et de rencontre, de partage et d'union dans l'équipage
qui a conduit par sa force, persévérance et
volonté notre voilier sur cette incroyable route ...
à la vitesse moyenne du marcheur pedestre.
Nous tournons une page. Et ouvrons un nouveau
chapitre.
L'automne
sera consacré à l'installation du camp d'hiver:
préparation du bateau, installation des éoliennes
et des instruments de mesures. Les journées iront en
se raccourcissant et laissant place aux premières chutes
de neige,tempêtes d'automne et embâcle. Les derniers
équipiers d'été quitteront le bateau
une fois la banquise formée courant novembre...
A suivre.
(*) Nouveau Thulé en français
Mouillages:
Fan Gletscher 77°32.5N 69°54.8W : mouillage
à l'W du delta d'alluvions de Fan Gletscher,
face à Herbert Oe. Mouillage d'excellente tenue
par 7m fond de sable. Ouvert au S.
(***) Qaanaaq 77°27.9N 69°16.6W : mouillage
par 5m fond de très bonne tenue à 5-6
encablures à l'W du village. Protégé
par des hauts-fonds rocheux découvrant à
basse mer qui forment un semblant de baie naturelle
à l'abri de la glace en dérive. La passe
d'entrée passe précisément par
le point 77°27.8N 69°17.0W en venant droit du
S, profondeur 2.0 - 2.5m à basse mer; la profondeur
dans la baie est d'environ 5m. Aucune protection du
vent. Pas de protection du clapot à PM. Débarquement
en annexe parmi les rochers et la plage - idéalement
entre mi-marée et pleine mer. Ne ratez pas une
visite à Qaanaaq Hotel. Le mouillage des barques
devant le village ne convient pas à un voilier
(0.5 à 1m de profondeur à basse mer). |
Etape
6 : Le village le plus septentrional du monde (8
septembre 2015)

Baie de Melville (photo Peter Gallinelli)
La traversée de la baie de Melville
et la remontée vers la région de Qaanaaq a été
rapide, à moitié à la voile, à
moitié au moteur car une fois de plus le calme et un
ciel inperturbablement clair nous accompagnent. Les journées
sont encore continues, et bien que le soleil se couche pour
quelques heures, il y règne un crépuscule rendant
l'utilisation de l'éclairage inutile. Mais ce n'est
qu'un sursis.
Nos compas de route commencent à perdre
le nord ... la proximité du pôle magnetique les
désoriente et ils ne sont plus toujours d'accord entre
eux. Quand la mer est houleuse il leur faut du temps pour
se stabiliser. La déclinaison magnétique est
d'environ 60°. Le compas qui est l'instrument de base
de la navigation hors de vue des côtes touche ici à
ses limites.

Siorapaluk, le village le plus septentrional du monde (77°47'N)
et sa plage de sable fin, Robertson Fjord (photo Peter Gallinelli)
Nous revenons à présent de Siorapaluq,
village le plus septentrional du monde. Les discussions avec
les habitants sont intéressantes et riches en informations,
car parmi les quelques possibilités identifiées
au préalable à l'aide des cartes et des photos
satellites, il s'agit désormais de constituer notre
connaissance locale et de visiter les lieux en vue d'élire
notre camp d'hiver qui réunira le plus de qualités
possibles: en priorité protection de la mer et de la
glace, ensuite accessibilité, lac ou cours d'eau fraiche,
proximité d'un village ... et finalement pas trop encaissé
pour profiter du vent pour nos éoliennes. La cerise
sur le gâteau serait un dégagement au S pour
profiter du premier (et dernier) soleil!
La fin de l'été est manifeste.
Les cours d'eau gèlent, nous grattons la première
glace sur le pont. Le lieu d'hivernage n'est pas encore déterminé
car les mouillages sûrs se font rares dans la région...

Marche dans la toundra, Robertson Fjord, torrent gelé
: été inden au Groenland (photos Peter Gallinelli)
Mouillages:
Qeqertarssuaq 77°25.4N 70°14.0W : mouillage
par 5m fond de sable de bonne tenue dans une baie ouverte
au NW (viser un spot parmi les algues). Donner un large
tour à l'W des ilots qui ferment la baie au N
pour éviter les hauts fonds dans le prolongement
des ilots. Ne pas pénétrer dans la baie
au-dela de l'ilot W: barre de rochers isolés!
Le fond de la baie assèche à basse mer
de grande marée. Le village se trouve à
1.5km à l'E du mouillage. Nombreuses ruines le
long de la côte.
Barden Bugt 77°08.7N 70°43.1W : mouillage par
15m fond sable et limon d'excellente tenue à
80 m de la plage au fond du fjord derrière une
moraine terminale, protégé toutes directions.
Attention aux hauts fonds au pied des moraines (5m),
et à proximité du Kap Powlett. Restes
de village abandonné le long de la côte
N du fjord. Environnement minéral et glaciaire.
La nuit une brise froide descend du glacier. Potentiellement
un mouillage d'hiver - à tester par gros temps
du secteur W (houle de travers inconfortable ?) Merci
aux images worldwind !
Info:
Le graphique suivant montre les longueurs
de jours au fil de l'année pour 75° de latitude
nord:

Graphe des durées de jour : axe horizontal =
numéro du jour; axe vertical = nombre d'heures.
Définition des jours civil, nautique, astro,
voir... (clic = zoom)
|
Etape
6 : La route arctique (2 septembre 2015)
Ce matin les sommets des montagnes sont couverts de giboulés
et de givre. La prévision météo pour
la Baie de Melville annonce -5°C. Upernavik est au Sud.
De plus en plus, le manteau rocheux apparait à l'état
brut, vierge de toute vie. Notre route continue sans perturbation.
Nous sommes étonnés de la relative facilité
d'avancement. Les bonnes conditions météo y
sont pour quelque chose, bien que le manque de vent récurrent
nous oblige de faire appel au moteur. Aussi, fin août-septembre
correspond la période de moindre glace.

Approche de la côte au petit matin après une
nuit de près en mer (photo Peter Gallinelli)
La région d'Upernavik se révèle riche
en possibilités de grimpe et d'alpinisme. Des falaises
granitiques massives alternent avec des vallons accueillants
où abonde une flore colorée et chargée
de baies sauvages. C'est de la prospection pour de futures
expéditions - nous notons attentivement ce que nous
voyons. Nous avons également commencé la prospection
pour trouver notre mouillage d'hiver et si les emplacements
sûrs et accessibles sont plutôt nombreux dans
cette région, hélas, la glace y est tardive
(embâcle décembre-janvier) et de faible épaisseur
(20-40cm) ce qui limite son intérêt pour un hivernage:
pas de glace équivaut à des déplacements
difficiles car si on voyage aisément sur la banquise
formée et solide, les périodes d'embâcle
et de débâcle sont délicates, et tant
que le bateau ne sera pas solidement pris dans la glace, nous
serons exposés aux coups de vents et la banquise en
dérive.
La remontée jusqu'au front de glace de Upernaviks
Isfjord laisse entrevoir le recul spectaculaire des glaciers:
nous pénétrons sur 20km d'un espace occupé
par le glacier encore il y a deux décennies. Certains
lacs ont simplement disparu. Le paysage est entièrement
remodelé. Comme pour la plupart des glaciers du monde,
la trace des surfaces nouvellement mis au jour témoigne
d'une diminution massive et soudaine... Au pied du glacier
nous trouvons un mouillage inespéré à
quelques brasses d'une île apparue il y a peu de temps,
sans doute sans nom (*). Les occasions de visite terrestre
sont intéressantes et nous sommes impressionnés
par la fabuleuse vitesse à laquelle la vie prend pied
sur la roche et le limon.

Nanuq en train de se frayer un passage par Upernaviks Isfjord
(extraits vidéo Kalle Schmidt)
Cette incursion devient aussi l'occasion de nous frotter
à la première glace fraîche en nous frayant
un passage pour traverser Isfjord qui mérite bien son
nom. Le centimètre de glace vive éclate comme
du verre brisé tandis que les plaques de 15 cm au pied
des glaciers cèdent avec des craquements sourds. Nous
découvrons le bateau dans son élément:
l'étrave renforcée écarte facilement
les plus gros blocs en glissant le long des bordés
qui par la même occasion effectuent un carénage
gratuit devenu plus que nécessaire. Les fusibles des
safrans basculants fonctionnent à merveille en évitant
un choc brutal avec la glace, dure comme du rocher.
Mais la prudence prime sur l'enthousiasme. Nous sommes sur
le qui-vive face aux éléments qui ne pardonnent
aucune erreur; la glace omniprésente demande de l'attention
et les tempêtes d'automne débouleront un jour...
il nous faudra des ressources et des solutions de repli fiables.
En parallèle le programme scientifique continue: à
présent, deux bouées météo dérivent
le long du courant du Labrador, une troisième sera
larguée en Baie de Melville. Les absorbeurs de l'Université
de Savoie s'impregnent des éléments alors que
les prélèvements d'eau de mer pour le compte
de l'Université de Brest sont effectuées tous
les 3 à 4 jours. Si ces opérations sont aisés
dans des conditions de laboratoire, leur mise en oeuvre par
conditions de froid, de mer houleuse et dans un espace restreint
demande de la rigueur et de l'organisation.
Ainsi, chaque jour apporte une nouveauté, une nouvelle
rencontre, une nouvelle expérience, une nouvelle ambiance:
inversément proportionnelle au nombre d'éléments
qui le composent, la diversité de ce pays-continent
est stupéfiante. C'est bien cette côte infiniment
variée qui a donné naissance au nom par lequel
nous appelons ce pays, et il est mérité ...
autant que le nom donné par les habitants eux-mêmes,
car c'est également le pays des hommes. Nous sommes
à présent impatients de vivre une nouvelle saison...
et de découvrir le pays sous une nouvelle facette.
Mouillages:
(*) Isfjord, île sans nom 72°48.2N 54°15.5W:
13m fond de limon, tenue correcte, mouillage de beau
temps. Possibilité d'accès à la
calotte glaciaire. Cadre exceptionnel au pied du front
de glace.
Fjord sans nom 73°03.1N 55°09.6W : très
bon mouillage protégé des vents et de
la glace, fonds de vase / sable de bonne tenue (quelques
algues évitables). Situation encaissée.
Le fond du fjord est accessible à PM avec connaissance
locale (gros rochers dans la passe - repérage
en annexe recommandée), potentiellement un mouillage
tout temps / toute saison. Cours d'eau à proximité
au fond de la baie sur le flanc exposé au S /
restes d'un campement d'été de pêcheurs.
La grande cascade au N n'existe plus.
Appilattoq village 72°52.3N 55°34.2W : excellent
petit port naturel utilisé par les pêcheurs
locaux. Mouillage de tenue correcte par 13m de fond
(fonds dans la baie entre 6 et 18m). Passe d'entrée
dans l'axe 8m de fond. Attentien aux rochers isolés
à proximité et dans la passe de l'ariière-port.
Lac d'eau douce à 15' à pied. Distance
au village habité ~2km - marche facile. Réseau
GSM.
Mouillage Atiligssuaq Sud 72°46.9N 55°51.4W
: petite crique perpendiculaire à l'axe du fjord.
Bien protégé du vent. Fond de sable (tenue
non vérifiée) : mouiller par 12-15 m de
fond et frapper 2 aussières AR sur les rochers
de la côte.
Baie au S de Umiasugssuk 72°45.8N 55°53.9W
: mouillage sur fond de sable et de blocs, bonne tenue,
au pied d'une petite plage au S de l'isthme rocheux
qui ferme la baie. Montagnes et falaises de part et
d'autre, belles escalades en perspective, cascades,
dernière neige au niveau de la mer (fin août).
Assez visité. Eviter les pieds des falaises:
cutes de pierres!!
Village de Nutaamiut 73°31.1N 56°25.1W : village
marqué abandonné sur la carte nautique,
mais habité avec infrastructures neuves (pècherie,
antenne GSM, maisons). Mouillage par 6-7m fond sable
et blocs de bonne tenue dans l'axe du relais GSM (50m
au S de la chapelle). Pas de quai, mais un rocher accore
protégé par des pneus au pied de la grue
au S du village, exposé aux petits bergs, mais
la faible profondeur protège raisonnablement. |
ETAPE
5 : 650 milles : équipage 8 : 16 jours |

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Source fond : Atlas du Canada
- La région circumpolaire Nord - atlas.gc.ca
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Etape
5 : En route pour Upernavik (25 août 2015)
Nous voici à Upernavik à 73°N. Après
une longue absence en raison de difficultés de connexion
à Internet, voici enfin des nouvelles. Nous en avons
profité pour agrémeter d'anciens articles avec
un peu de documentation. Bonne lecture!
Après l'agitation citadine d'Ilulissat, nous sommes
transportés hors du temps à Sarqaq(*), village
paisible à une centaine de km au N de la capitale touristique
et qui abrite le jardin arctique de Hanibal Fencker: une serre
chaude avec une végétation luxuriante telle
que nous ne l'avons plus vue depuis longtemps. Un parfum de
nostalgie d'une douceur de vivre lointaine s'en dégage.
Le contraste avec le fjord dans lequel s'accumulent les icebergs
géants est saisissant... Le soir, surprise : c'est
la fête du village. Musique et feux d'artifices sont
au programme jusque tard dans la nuit. L'ambiance à
bord est également festive ce samedi soir!

Village de Sarsaq avec ses chiens et ses icebergs qui craquent.
Le jardin arctique de Hanibal Fencker à Sarsaq (photos
Peter Gallinelli)

A Saqaq, comme ailleurs, les citernes à fuel, exposés
sans complexe, montrent l'importance centrale du pétrole
pour le mode de vie occidental (photo Peter Gallinelli)
Le lendemain nous continuons notre route : en avant! Le Vaigat
est un passage austère et sans abri long de 60 milles
et large de 10 (dimensions comparatives du Léman :
longueur 30 milles, largeur 5 milles). Il sépare l'île
de Disco de la presque-île de Nugssuaq au N, toutes
deux grandioses par l'étendue de leurs vallées
désertiques et leurs sommets enneigés 2000 mètres
plus hauts. Une invitation à y passer du temps - à
pied. Il faudra sans doûte une semaine pour les traverser;
une vallée interminable nous y invite... il faudra
revenir!
Les prêtres de Sarqaq nous ont prédit du temps
ensoleillé. Ils ont eu raison. Nous découvrons
un pays d'après-saison. Le soleil est de plus en plus
bas et le phénomène est encore accentué
par notre progression vers le Nord. Chaque jour nous fait
gagner un degré en latitude ce qui équivaut
à un degré de hauteur en moins pour le soleil.
La végétation devenue spartiate a changé
de couleur et se prépare à un hiver long et
froid. A l'exception des oiseaux pélagiques et la vie
sous-marine, le pays semble désert. Il y règne
une atmosphère silencieuse et mélancolique.
Réalité ou imagination? La perspective d'approcher
un hiver long et froid accentue sans doute cette impression.

Saison des bolets en arctique. Le village de Niaqornat (photos
Peter Gallinelli)
Après une nuit passée au mouillage d'attente
au S de Nugsuata(**), nous repartons pour Niaqornat(***),
le 'Village au bord du monde', construit sur un isthme, avec
son mouillage symboliquement protégé des rigueurs
de l'Ouest par des icebergs échoués. C'est un
lieu à mi-chemin entre montagne aride et mer sauvage.
Un lieu où le temps s'écoule à une vitesse
contemplative. Nous nous asseyons sur le minuscule quai de
déchargement et respirons le présent, en nous
impregnant d'un temps hors du monde. Sur la plage un père
lance des ricochets avec ses enfants - ce jeu est universel.
La seule personne au village qui parle anglais nous dépanne
pour le fichier météo. L'accès au 'monde'
existe dans tous les lieux habités du Groenland. Par
conséquent, pour savoir si un village est habité
ou non, le mieux est de consulter les cartes de couverture
du réseau mobile éditées par l'opérateur
téléphonique groenlandais! L'avenir passe par
là. L'exode 'rural' est marqué et plus d'une
fois nous nous trouvons face à des villages fantômes
là où nous pensions rencontrer des personnes.

Extrait de carte de couverture GSM. Souvent il y a de la 2G,
voire 3G (extrait carte © TELE-Greenland)
Une traversée rapide au large des fjords d'Ummanaq
nous approche enfin de la région découpée
d'Upernavik que nous explorons à présent (****)
... des bolets coupés en tranches sèchent sur
la table à cartes et remplacent temporairement les
cartes de navigation. Nous franchissons le 70ème parallèle
N.
[...]
Mouillages:
(*) Sarqaq : 70°00'N 51°57'W, bon mouillage
devant le village protégé du S par une
île et un haut fond. Mouillage dans 5-10 mètres
fond sable d'excellente tenue. Fuel à quai (automate).
Petit magasin. Nosy-Bé a hiverné ici en
1996. Bien cartographié.
(**) Mouillage temporaire au S de Nugsuata : 70°40'N
54°34'W. Bien protégé des vents du
secteur NW à SE en passant par le N. Ouvert à
la mer du S au W. Tenue correcte par 11m de fond gravier
et algues au pied d'une plage de galets près
de la falaise. Origine volcanique. Vallons magnifiques
avec bolets et baies. Quelques tombeaux inuits.
(***) Niaqornat : 70°47'N 54°34'W, le mouillage
est situé du coté W de l'isthme. Mouillage
correct par temps calme dans env. 15m de fond à
50m de la plage. Beau village installé sur un
isthme avec un petit magasin et des belles ballades
dans les environs. Le mouillage est ouvert au NW et
seulement protégé par des gros icebergs
échoués qui protègent quelque peu
la plage.
(****) Mouillage au S d'une moraine glaciaire à
l'entrée W du fjord Amitsup Suvdlua : 71°49'N
55°24'W. Bonne tenue dans 10m d'eau, au pied d'une
cabane de chasseurs abandonnée. La moraine ne
figure pas sur la carte, mais se voit sur les photos
satellite. Point de départ à des randos
faciles dans les montagnes environnantes. Ruine de maison
de tourbe et de campement tipi. |
Etape
5 : Sisimiut et la route de Sila [1]
(19 août 2015)
Depuis le temps que nous cabotons le long de la côte
groenlandaise, la voile aventureuse et glaciaire s'est transformée
en une opportunité de visite terrestre sans égal.
Si la navigation le long de la côte demande de l'attention
et de la précision, elle n'est pas moins confortable,
souvent abritée, et chaque jour est ponctué
d'une visite à terre.
Aujourd'hui, après une recherche infructueuse d'un
mouillage, nous accostons un minuscule quai devant un village
d'une vingtaine de maisons; Ikerasarsuq(*). Il ne faut pas
5 minutes pour que Stephen, l'instituteur du village, vienne
à notre rencontre pour nous inviter à un café
matinal. Il nous demande de parler de nous et du pourquoi
de notre présence ici aux 20 élèves et
habitants du village. Nous passerons une bonne partie de la
journée en compagnie de nos hôtes et sommes touchés
par le sourire et l'enthousiasme des enfants, l'accueil spontané
et cordial des gens du village. Sur ce lieu plane un esprit
bienveillant de jeunesse, de vie et de concorde. La jeune
institutrice groenlandaise qui prendra la relève à
la rentrée nous remerciera pour la visite. Nous la
remercions pour l'accueil chaleureux avant de larguer les
amarres pour continuer notre route vers le Nord. Nous ferons
tout pour y repasser, c'est promis.

Nanuq au pied d'un iceberg dans la baie de Disko, au large
de Ililissat : classique (photo Stéphanie Piffeteau)
Car notre aventure interpelle à chaque escale. Notre
voilier qui ne ressemble à rien de connu y est certainement
pour quelque chose. Ce sont des occasions de partage d'idées
et d'en apprendre les uns sur les autres. Ainsi, Martin, notre
contact à Sisimiut s'avère être chercheur
en physique du bâtiment à l'université
technique danoise qui y entretient une antenne. Son domaine:
ventilation et isolation thermique dans les climats arctiques,
des sujets qui ne me sont pas étrangers. Voici une
opportunité exceptionnelle.
Il nous ouvre les portes de son laboratoire, et par la même
occasion de ses ateliers - car il nous faut encore fabriquer
le mat de l'éolienne - et nous fait visiter les deux
prototypes de bâtiments passifs. En retour, nous organisons
une conférence et visite à bord pour les étudiants
du camp d'été: ingénieurs en génie
civil, sciences de l'environnement, géographie, architectes...
histoire à suivre, nous restons en contact; les premiers
résultats de notre expédition sont attendus
avec beaucoup d'intérêt.

Peter expliquant le 'passive igloo'
aux étudiants de l'université technique danoise
et aux enfant d'un village au Groenland (photos Lisa Gallinelli,
Kalle Schmidt)
Après Quequertarsuaq, bourgade installée sur
les flancs Sud basaltiques de l'île de Disko, nous faisons
escale à Ilulissat avec son port encombré de
pêcheurs pressés et de glaçons, ville
agitée aux allures d'un Chamonix du Groenland. C'est
commode et moyennant un peu de patience on y trouve quasiment
tout, au prix fort évidemment. Cette escale nous permettra
de parfaire notre préparation. Mais plus important,
le hasard nous fait amarrer à couple de Vagabond (lien).
Eric et France nous donnent de précieux conseils et
informations sur la région que nous envisageons pour
notre expédition hivernale

Vagabond et Nanuq (Nanuq et Vagabond à droite) à
couple dans le port d'Ilulissat - août 2015 (photos
Peter Gallinelli / Kalle Schmidt)
Pendant ce temps leurs 2 filles sont ravies de passer la
journée en compagnie de nos jeunes navigateurs. Plus
tard, les douanes se présentent à bord, inquiets
de voir notre stock de nourriture pour chiens empilé
sur le pont: pour préserver la lignée groenlandaise
l'importation de chiens est strictement contrôlée;
tout animal venant d'ailleurs doit être castré!
La journée passe trop vite entre avitaillements et
visites de la ville et des trois voiliers d'expédition
à quai: Vagabond(*), Atka(**) et Nanuq(***) - tous
les trois regorgent d'idées et de détails inhabituels,
ce sont des laboratoires d'innovation flottants. A 22 UTC.
En partant, un ouvrier de la pêcherie nous offre un
grand sac de crevettes groenlandaises ... elles sont délicieuses
et les 15kg de marchandise marqueront nos repas matin, midi
et soir durant les jours suivants.
Aaprès une grosse journée à arpenter
rues et escaliers, nous larguons les amarres pour quitter
le bruit et l'agitation de la ville et laissons Ilulissat
derrière nous dans le brouillard et le sillage ...
devant l'étrave, des glaces, des terres inhabitées
et une nature intacte et omniprésente. A partir d'ici
les cartes de navigation détaillées laissent
la place à des plans succincts et schématiques.
De plus en plus nous ne pouvons compter que sur nos propres
ressources et notre capacité à être indépendants.
Histoire à suivre!
[1] Sila (définition de l'ouvrage 'Tupilak', édition
Tinok) : Sila est un concept qui représente l'ordre
du monde lui meme, soit du cosmos. Silak contrôle tout,
des marées à la vie humaine. C'est une force
particulière qui ne peut être expliquée
en quelques mots [...] : c'est un esprit puissant, celui qui
sauvegarde l'univers, le temps, toute la vie terrestre. Il
est tellement formidable qu'il ne parle pas aux hommes avec
des mots ordinaires, mais par l'intermédiaire des tempêtes,
de la chute de neige, des averses et du déchainement
de la mer, soit toutes les forces que les hommes redoutent
ou bien par l'intermédiaire du soleil, du calme de
la mer ou des petits enfants jouant innocemment sans rien
comprendre. Sila est aussi la raison [...]. Quand les choses
vont bien, Sila ne se fait pas entendre et disparait dans
son néant infini tant que les hommes n'abusent pas
de la vie et respectent leur nourriture quotidienne. Personne
n'a jamais vu Sila et l'endroit où il se trouve est
si mystérieux qu'il peut être ici et infiniment
loin en même temps.
(*)
reste Vagabond...
(**) Périple 50
(***) Intégral 60
Mouillages:
() Sydbay : 67°13'N 53°53'W. Contrairement
aux instructions du guide Imray, le mouillage au N est
de tenue insuffisante pour un vent du S de 20 noeuds
(algues abondantes), les profondeurs importantes. Nous
décidons de mouiller proche de l'île de
Ukivik dans 12m fond de sable de très bonne tenue.
La visite de l'île est à recommander: la
vue depuis le phare est belle et la maison en tourbe
encore en bon état à coté de la
cabane des chasseurs en vaut la peine.
(*) Ikerasarsuq : 68°08'N 53°27'W. Fonds non-adaptés
au mouillage (profonds, rocheux), mais il y a un petit
quai adapté à un accostage temporaire.
Le village se trouve à l'écart de la 'route
touristique'.
(**) Hunde Ejland : 68°52' 53°07'W. Village
sur un archipel situé à l'entrée
de la baie de Disko. Accès du petit port par
le chenal N/S à l'E de l'archipel, puis viser
le petit quai à l'W. Hauts fonds de 6m. Eviter
les roches évidentes. Un village peu visité
au milieu de nulle part. Particularité, la production
d'eau potable par osmose inversée...
Joli mouillage à 5 milles au N de Ilulissat
dans une petite crique entaillée dans la côte
S de Bredebugt : 69°16'N 50°58'W. Bonne tenue
sur fond de 6-8m au fond de la crique. Côte accore
5m. Largeur limitée; prévoir eventuellement
des aussieres à terre. |
ETAPE
4: 630 milles : équipage 7 : 13 jours |

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Source fond : Atlas du Canada
- La région circumpolaire Nord - atlas.gc.ca
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Etape
4 : La longue route du Nord - suite (14 août
2015 - update)
Le point
nous indique 66°33' de latitude Nord : nous franchissons
le cercle polaire arctique. L'évènement est
dignement fêté. Aussi symbolique que l'équateur,
ce passage nous fait basculer définitivement en arctique.
Depuis quelques jours la verdure (toute relative) a progressivement
laissé la place à un monde plus minéral,
primaire, brut, inhospitalier. A présent, nous risquons
de rencontrer Nanok, l'ours blanc, au détour d'une
promenade. Nous sommes armés de feux à mains,
mais devrons nous équiper d'une carabine à la
prochaine escale.
Le cercle
polaire arctique marque aussi la fin définitive de
la culture agricole et le début des chiens de traineau,
interdits plus au Sud. Nous trouvons le Groenland des chasseurs.

Nanuq mouillé dans un décor minéral somptueux,
à quelques milles du cercle polaire arctique, voir
*** (photo Peter Gallinelli)
La route
est longue, mais nous avons du temps. Avec une moyenne journalière
de 60 milles nous suivons presque un rythme de croisière.
Ici le vent suit la côte. C'est simple: vent de face,
vent arrière ou pas de vent. Un cocktail de conditions
bien éloigné de l'idéal pour un voilier.
Selon les conditions, nous choisissons de naviguer au large
en tirant des bords de près ou de largue ou, quand
le vent est en panne, en suivant la route intérieure
par les innombrables îles, parfaitement abritée,
mais nécessitant une attention à chaque instant
pour ne pas s'égarer de l'étroite route qui
évite hauts-fonds et écueils; souvent la côte
est à distance de toucher.

Ruines d'une industrie d'une époque révolue,
maison abandonnée, isolation en laine de verre d'il
y a un demi-siècle (photos Peter Gallinelli)
L'escale
à Nuuk se révèle intense et efficace
et à quelques détails près, nous pouvons
réunir les équipements manquants, à commencer
par le 3ème tiers de notre stock de nourriture, grace
à l'aide de l'équipe du principal importateur
et grossiste de nourriture du Groenland à même
du quai actif du port. C'est notre carburant humain, élément
de base essentiel pour un hiver en autonomie!
Nous évitons
les plats préparés et surgelés. L'essentiel
est fait de nourriture de base, tels que riz, légumineux,
farine, huile, beurre, sucre ... beurre de cacahouète,
miel et confitures et un gros stock de pain Wasa. Nous comptons
mettre du 'beurre dans les épinards' en pêchant,
éventuellement en chassant... d'ailleurs nos premières
prises sont exceptionnelles: 2 jours, 2 essais, 2 prises.
Il faudra maintenant apprendre à varier les recettes!

Pèche du jour; que ceux qui n'aiment pas le poisson
s'y tiennent bien. Décor alpin; neige au niveau zéro
(photos Peter Gallinelli)
Dans peu
de temps nous frapperons nos amarres sur le quai de Sisimiut.
Une étape qui s'achève et le temps d'une nouvelle
aventure qui commence avec un nouvel équipage. En effet,
toutes les 2 semaines notre parcours passe par un lieu stratégique
pour une escale technique, de ravitaillement en nourriture
fraîche et permettant une recomposition aisée
de notre équipage. Ces escales peuvent être ralliées
en navire ou en avion. Si l'équipe de base suit l'intégralité
du parcours, cette possibilité ouvre des opportuntés
d'embarquement à de nombreuses de personnes pour une
étape. Ainsi, la géométrie de notre équipage
change à chaque escale, occasion de nouvelles rencontres
et une belle manière de partager une aventure.
Le temps
de nous équiper d'une arme en prévision d'une
rencontre avec Nanoq, l'ours blanc que nous côtoyerons
dans le nord et de la tester sur le champ de tir communal,
et nous voici repartis. Ainsi
Sisimiut marque la fin d'une étape et le début
d'une nouvelle: neige fraîche à 500 mètres
d'altitude, il fait 5°C sur le pont. C'est l'été!
Mouillages:
(*)
Dans le coin N de la baie de Tovkussaq : 64°52.8'N
52°11.8'W. Fond de bonne tenue 5-10m. Cascade pour
faire le plein d'eau à l'W. Il y a un taquet
d'amarrage pour une aussière à terre.
(**)
Dans le coin NNE de la baie de Tasuissaq : 65°34.8'N
52°46.2'W fond bonne tenue, env 10m. Très
belle rando sur l'arrête de roches arrondies avec
une vue spectaculaire vers l'W. A proximité de
Manitsoq. Belles possibilités en montagne (très
alpin).
(***)
Iserkuq (fjord). Plusieurs mouillages, dont 'Jak's Bay'
: 66°07.4'N 53°36.4'W. Fond bonne tenue 18m
vers le S de la baie. Petite cascade avec petit anneau
métallique pour aussière à terre.
Paysage très austère et minéral. |
Etape
4 : La longue route du Nord (6 août 2015)
A peine
largué les amarres du quai de Narssasuaq, Nanuq taille
sa route, d'abord plein Ouest pour quitter la douceur estivale
des fjords du SW, ensuite en longeant la côte qui s'infléchit
au NW en passant par la route intérieure, tant que
le vent nous fait défaut. L'équipage redécouvre
la houle à l'approche de la mer ouverte.
Prochaine
escale, Paamiut: ville de 1600 âmes en déconstruction
de ses immeubles implantés dans les années 60,
obsolèts, truffés d'amiante, garantie d'une
misère humaine assurée. Comme dans d'autres
parties du monde, le modèle standard de la modernité
et du logement industriel fait des ravages.

Paamiut - immeubles dignes d'une urbanisation d'après-guerre
bâclée importée d'Europe (photo Kalle
Schmidt)
Le temps
de refaire quelques vivres fraîches et 2 heures plus
tard nous repartons. Le Nord est notre objectif! A la tombée
du jour nous mouillons au pied d'un village d'une dizaine
de maisons, confiant de rencontrer des villageois. Notre déception
sera grande de constater qu'il s'agit d'un village fantôme.
Quelle catastrophe a pu faire partir ces gens? Un monstre,
un massacre? Jadis vivant avec une pêcherie, une église,
des infrastructures et un système radio il ne reste
que rouille et ruine. Les portes de quelques maisons sont
ouvertes. Nous découvrons des intérieurs abandonnés
à la hâte jusqu'au contenu du garde-manger et
la brosse à dents... Ici le temps fait son travail.
Il se débarrasse efficacement des anciens avant de
démonter pièce par pièce l'oeuvre des
hommes. Les jeunes n'habitent plus ici. Un proverbe Inuit
rappelle de façon poignante 'Siku Silalu kisimik naalagaapput'
: 'Seuls la glace et le temps sont maîtres'.
Départ
matinal dans une brume épaisse. En voyant à
peine plus loin que l'étrave du bateau nous nous tâtons
prudemment au radar et au sondeur. Chaque jour notre estime
grandit pour les navigateurs d'antan qui s'aventuraient dans
ces eaux sans cartes, sans prévision météo,
sans instruments de pointe, mais qui possédaient sans
doute une expérience et une connaissance dont nous
avons oublié l'existence et une arme dont nous avons
perdu l'usage: le temps. Le temps d'attendre des conditions
favorables. Seulement une fraction de ce savoir est résumé
dans les instructions nautiques.
Ce brouillard
se transformera progressivement en brume lumineuse baignée
par le soleil. Nous progressons sur une mer d'huile qui se
confond avec le bleu clair du ciel. Notre monde de la taille
d'une encablure (~200m) semble statique, le temps arrêté.
Rochers et hauts fonds surgissent comme par magie à
proximité du bateau, tels que prévu par les
cartes et les instruments. Nous mouillons l'ancre sur un fond
de sable au milieu de nulle part. Nous nous découvrons
au pied de Sioqquap Sermia, une plage à perte de vue
au pied de l'immense front de glace de l'inlandsis groenlandais
qui nourrit ce delta d'alluvions et de sables.

Le Sioraq - du sable à perte de vue (photo Peter Gallinelli)
Quelques
timides pas à terre nous feront prendre la mesure de
l'immensité de l'endroit et en même temps de
notre petitesse et vulnérabilité dans ce monde
à la fois hostile et d'une beauté à couper
le souffle...
Enfin, une connexion à Nuuk au SjömandsHjem.
Aussi des douches chaudes et une laverie. Un lieu à
recommander. Escale technique, il nous faut réunir
les derniers avitaillements! Des nouvelles pour bientôt
...
Mouillages:
(*)
Siorak : 62 28.8'N 50 19.0'W. Mouillage sur fond de
sable à l'abri des îlots. Possibilité
de débarquement pour une brève visite
des sables. La route intérieure est exposée
à une mer déferlante en cas de houle ou
vent du large. Difficile à suivre car manquant
de repères. Les cartes sont peu précises
et décaleés par rapport à la position
GPS ... prudence. |
ETAPE
3 : 1060 milles : équipage 11 : 16 jours |

|
Source fond : Atlas du Canada
- La région circumpolaire Nord - atlas.gc.ca |
Etape
3 : Le Sud-Ouest (6 août 2015)
Après
6 jours de mer, changement de style radical: pendant 10 jours
consécutifs notre bateau se transforme en refuge de
montagne itinérant, ralliant de multiples points de
départ à des randonnées alpines aventureuses
sur des terres sauvages et contrastées tantôt
verdoyantes, tantôt rocheuses ou glaciaires de la région
qui fut la terre d'accueil d'Eric Le Rouge et d'une culture
agricole voici ... un millénaire.
Notre
carte topographique couvre un territoire grand comme la Suisse.
Les possibilités alpines sont pratiquement inépuisables
à un point de décourager même le montagnard
passionné à gravir tous les sommets: le plus
difficile étant de choisir où commencer, le
proverbe 'choisir c'est renoncer' prend toute sa dimension.
C'est du terrain d'aventure: il n'y pas de sentier et les
cartes sont sommaires. Ce qui apparaît comme une promenade
se révèle un terrain avec de nombreux obstacles,
souvent infranchissables, nécessitant une bonne connaissance
de terrain, de l'endurance et de l'autonomie.

Nanuq au mouillage dans Stephensens Havn (photo Peter Gallinelli)
Les nuits,
souvent claires, nous donnent l'occasion d'un givre nocturne
sur notre igloo et d'une pellicule de glace neuve sur l'eau
du fond des fjords: l'eau de fonte, non saline, flotte à
la surface de l'eau de mer, plus dense, et gèle facilement.
A ces moments nous apprécions particulièrement
le confort de l'isolation parfaite de notre igloo. Par ailleurs,
les eaux éloignées de quelques milles d'un apport
d'eau de fonte glaciaire est déjà à +10°C,
proche de celle que l'on peut trouver au nord de la Scandinavie.
Ainsi, il est encore trop tôt pour entamer la roue de
Compté qui attend au frais en fond de cale, acheté
à la fromagerie dans le Jura au mois de juin.
Fin d'étape pour 4 de nos valeureux coéquipiers
à l'aéroport de Narsarssuaq. Ce dimanche 2 août
il y règne un calme surréaliste. Il y fait chaud
et très sec. Une impression d'abandon et de fin de
monde plane sur ce lieu qui s'appelle un peu prétentieusement
le 'Hub du Groenland du Sud'.

Découverte au pied de la calotte glaciaire - Source
chaude thermale avec 'dressing' - Temps pour bricoler (remarquez
le soleil et le T-shirt) (photos Kalle Schmidt)
Le hasard
nous fait rencontrer Agathe, française exilée,
qui exploite avec Kalista, son mari groenlandais, une des
37 (!) exploitations agricoles du Groenland, toutes situées
dans la région du Sud-Ouest (http://www.ipiutaq.gl).
C'est un pays pour des gens qui possèdent la trempe
pour vivre en autarcie et qui acceptent des longues périodes
de solitude.
Si cette
région possède certaines similitudes avec la
Scandinavie, l'absence de l'homme est marquante. En contrepartie,
les rares villages contrastent avec la pureté inviolée
de la nature omniprésente. Ici s'accumulent mégots
et machines abandonnées. La vidange des quelques utilitaires
rouillés qui sillonnent la seule rue se fait à
même le sol. Les égouts s'écoulent dans
la mer à l'état brut et l'odeur de la décharge
municipale se répère de loin. Tout semble être
fait de bric et de brac tandis que les petites maisons colorées
en bois d'importation danois dressés sur de solides
socles en béton armé et les citernes de gasoil
font office de déclaration de dépendance à
la société 'moderne' qui semble encore plus
décalée en contraste avec le décor...
Mouillages:
(*)
Qaleragdit Ima : 60°59.4'N 46°40.4'W. Mouillage
au pied d'un camp de touriste temporaire, cependant
peu gênant. Belle vue sur la calotte. Bonne tenue
par 15m fond de sable et limon. D'autres mouillages
plus près du fonds du glacier sont possibles
sur la rive droite du fjord. PS: le pied du glacier,
peu actif, est 2M au N de la carte.
(**)
Petite baie profondement encaissée parfaitement
protégée : 61°00.1'N 46°34.9,W.
Mouillage par 10-15 de fond. Accès à la
baie par l'E: passe d'accès très étroite,
4m de fond à pleine mer. Rester au milieu de
la passe et veiller aux hauts-fonds qui débordent
des deux cotés.
(***)
Ipiutaq : mouillage au pied d'une ferme d'élevage
de mouton sur la rive N du fjord qui mène à
Narsarssuaq : 60°58.3'N 45°42.7'W.Fond bonne
tenue, petit embarcadère, profondeur 25m au milieu,
remontant à 5m près du bord. Prendre rendez-vous
avec Agathe pour organiser un repas culinaire (http://www.ipiutaq.gl). |
Etape
3 : Atterrissage au Groenland (25 juillet 2015)
Il est
7h du matin UTC - terre en vue ! La glace racle le long des
bordés renforcés de notre coque. Impression
du moment: à tour de rôle chaque équipier
qui se réveille pousse un cri de joie! Un spectacle
splendide se dévoile sous nos yeux. Nous voici au pied
d'un monde où la mer et la montagne se rejoignent -
le rêve absolu de tout montagnard-navigateur.

Atterrissage sur la côte Est du
Groenland, elle s'avèrera hélas inaccessible
(photo Kalle Schmidt)
Si les
600 milles nautiques de traversée ont été
avalés en trois jours, nous passons deux jours à
essayer de nous frayer un passage à travers la ceinture
de glace pour joindre la terre. Elle s'offre furtivement à
notre vue, à la manière d'un mirage. Car le
reste du temps il règne un brouillard dense et la visibilité
est réduite à une centaine de mètres.
Dans ces conditions le radar et le compas sont des alliés
sans prix. L'eau est à 1.5°C et l'air saturé
en 'humidité suit de près - ça nous change
des conditions estivales Islandaises (10°C).

Débarquement sur la banquise; au loin notre compagnon
de route, Nanuq (photo Peter Gallinelli)
Ainsi va notre 6ème jour de mer: par moments nous
progressons au pas en poussant les morceaux de glace par l'étrave
renforcée de notre bateau tout en veillant de ne pas
toucher safrans ou hélice. Le calme plat et l'absence
de mouvement donnent une impression d'apesanteur. Le temps
est figé. Le ciel et la mer se confondent. Quelques
phoques qui se reposent sur les floes nous observent d'un
oeil curieux, hésitent de faire durer la sieste ou
de plonger ... ne sait-on jamais. Ces conditions sont idéales
pour une première visite du 'sol' groenlandais en embarquant
sur un floe.
CLIC
= ZOOM
Navigation autour du Kap Farvel - encore beaucoup de glace
cette année (photos Peter Gallinelli, Alain Berthoud).
A 60° de latitude Nord la nuit dure 4 heures et nous
oblige de mettre à la cape en attendant l'aube car
il serait imprudent de s'aventurer dans la glace sans visibilité.
Les quarts de veille continuent en dérivant au gré
du courant qui longe la côte pour guetter la glace qui
peut apparaître à à tout moment.
Depuis la plage arrière du bateau nous larguons la
première bouée météo embarquée
à Reykjavik pour le compte de Météo-France.
Ces équipements de pointe qui intègrent de nombreuses
sondes physiques participent à une connaissance sans
précédent de notre environnement, dont les mécanismes
qui influencent le climat ou pragmatiquement les prévisions
météo qui rendent la navigation plus sûre
que jamais, en particulier sur des unités de petite
taille, telle que la nôtre (voir
science...).

Larguage d'une bouée météo dérivante
SVP 59°48'N 42°05W | Navigation au RADAR : floes sur
tribord et à iceberg, bien visible à droite
(photos Alain Berthoud, Peter Gallinelli)
Encore quelques milles pour nous faufiler dans le premier
mouillage et nous mettrons enfin pied sur le sol groenlandais.
Le pavillon de courtoisie flotte sous la barre de flèche
tribord depuis ce matin. Prochaine escale Nanortalik pour
un ravitaillement en nourriture et, avec un peu de chance,
un web-café pour poster les News!
Etape
3 : Traversée vers le Groenland (22 juillet
2015)
600 milles
nautiques (1100 km) séparent l'Islande du Sud-Est du
Groenland. Nous partons sur des conditions musclées:
30 noeuds annoncées qui souffleront finalement en 35
à 40 noeuds, un bon coup de vent de Nord. Au 3ème
ris et sous trinquette Nanuq trace constamment sa route sur
une mer formée. Occasionnellement un paquet de mer
arrose copieusement l'équipe de quart qui barre et
veille dehors. Malgré quatre équipiers atteints
d'un mal de mer passager, c'est loin d'être du gros
temps, mais plutôt un magnifique jeu entre les vagues
dont bon nombre dépassent la hauteur du bateau (3-4m).
Nous sommes rassurés de voir à quel point un
bateau flotte bien! Alors que le vent siffle dans le gréement,
la cabine de Nanuq est un havre de paix.

Mer et ciel - coup de vent au SE de l'Islande (photo Peter
Gallinelli)
En quittant
l'Islande nous installons les capteurs de PCB atmosphérique
et aquatique qui nous ont été expédiés
à Reykjavik. Les dosages se font à l'aide absorbeurs
passifs pour le compte du LCME de l'Université Savoie
Mont-Blanc. Ils serviront à préciser le rôle
de l'océan vis à vis de ces micropolluants organiques
persistants : source ou puits de PCB atmosphériques?
(voir science...)
Mise en oeuvre d'appareils de mesure de PCB, Islande 64°02'N
22°58'W (photos Alain Berthoud)
Comme
prévu, le vent et ciel bas laissent la place à
un temps calme, presque trop, car nous mettons en route le
Diesel pour nous affranchir d'une zone anticyclonique ensoleillée
qui nous offre des petites brises à peine exploitables
et une mer d'huile. L'horizon semble sans limite. Nous sommes
réduits à un point infime au milieu d'un univers
infini. Cependant, à bord de ce point infime s'organise
une vie agréable, coupée du monde et du temps
- régulièrement l'un ou l'autre réalise
d'en avoir perdu la notion. Sommes-nous le matin, le soir?
Quel jour sommes-nous? Aujourd'hui est le 3ème jour
de notre traversée. Les quarts se suivent selon un
rythme parfait entre sommeil, lectures, dessin, écriture,
composition, musique, repas communs, pain frais, salade et
havregryn (flocons d'avoine), discussions, bricolages ...
et barre.
Car, si
barrer suppose de rester dehors par tout temps, il y a aussi
des récompenses: Nanuq est régulièrement
accompagné de dauphins et de grands mammifères
marins, encore trop furtifs pour être identifiés,
vraisemblablement des baleines à bosse, immenses et
intriguées de voir passer un voilier par là.
La terre
est à 100 milles; plus que tout, l'équipage
est à présent impatient d'apercevoir les premiers
sommets glaciaires du Groenland... à suivre!
Etape
3 : Départ pour le Groenland (19 juillet 2015)
Le nouvel
équipage est à bord et profite d'une dernière
visite de la piscine municipale: eau chaude à volonté!
Les paquets avec les équipements scientifiques sont
arrivés et les bouées météo embarquées.
Le programme peut enfin commencer.

Imram et Nanuq réunis en Islande
(photo Kalle Schmidt) - bateaux de passage et nouveaux
amis au port de Reykjavik (photo Victor Guillot)
Rencontre
épique avec notre ancien compagnon de route, Imram
(photo de gauche). Sous le pavillon de son nouveau capitaine,
il attend l'arrivée de son équipage en Islande
en prévision d'une visite de la côte Est du Groenland
cet été (http://www.imram.fr).
Occasion d'une visite et grand moment de nostalgie qui nous
rappelle des années d'aventures passées (http://voyage.sailworks.net).
A présent
nous voici à la pointe ouest de l'Islande, parés
à larguer les amarres pour une traversée de
plus de 500 milles où nous serons coupés du
monde. Atterrissage sur la côte est du Groenland prévu
dans 4 jours. A l'heure où j'écris ces lignes
l'accès est encore interdit par la ceinture de glace
qui dérive le long de la côte, charriant de la
glace en provenance de la banquise polaire arctique.
Des nouvelles
dans 3 semaines! A bientôt!
ETAPE
2 : 960 milles : équipage 11 : 12 jours |

|
Source fond : Atlas du Canada
- La région circumpolaire Nord - atlas.gc.ca
|
Etape
2 suite : Tour de l'Islande (15 juillet 2015)
Si la
route du Sud est bien plus directe, faire le tour de l'Islande
par le Nord permet de découvrir ses côtes découpées,
ses villages, ses fjords, aussi ses caps réputés
tels que Langanes et le Horn qui tirent leur réputation
des forts courants, des tempêtes et des glaces hivernales.
Nous sommes au mois de juillet, en plein été,
même si nous avons du mal à y croire à
en juger du thermomètre qui s'obstine à rester
en-dessous de 10°C.

Extrait des 'Pilot Charts' américains.
Les roses des vents montrent la fréquence des vents
par secteur, la région de Tassiilaq à l'ouest.
Les 'Pilot Charts' indiquent la prédominance de vents
du secteur N-E au mois de juillet. Nous en profitons pour
naviguer à la voile avec des vents constants entre
15 et 25 noeuds ... mais froids et humides, nous regrettons
le brouillard persistant et l'absence de soleil. Dans ces
conditions le radar s'avère indispensable pour des
atterrissages en sécurité: avec une visibilité
souvent inférieure à 1 mille nautique, l'entrée
dans un fjord ou une baie abritée ne se découvre
qu'au tout dernier moment.

Approche d'Isafjordur. Excellentes conditions
en entrant dans Isafjardardjup (photos Peter Gallinelli -
Kalle Schmidt)
Découverte des Fjords du N-W

Plage de sable noir de Hornvik / traversée
plus ou moins mouillée de nombreux torrents / séchage
à l'arrivée à bord de Nanuq (photos Peter
Gallinelli)
Escales et mouillages à ne pas manquer, les fjords
du N-W sont le coin le plus sauvage et solitaire de l'Islande.
Il est encore possible de s'y perdre pour de bon, surtout
par temps couvert et brouillard. Dans ces conditions une simple
promenade se transforme vite en aventure. Des chaussures étanches
sont inutiles - elle finissent mouillées de toute façon
car les chemins sont rares et il faut traverser marécages
et torrents. Ainsi le retour à bord est un moment fort
apprécié, c'est notre lieu d'accueil confortable,
sec et chaud - il y a boissons chaudes et nourriture!
La faune est abondante. Nous observons renards arctiques
et de nombreuses espèces d'oiseaux de mer qui nichent
dans les falaises - à l'abri des premiers, très
friands d'oeufs d'oiseaux. Nous observons furtivement quelques
baleines et sommes accompagnés de dauphins. Les traces
de l'homme se font rares. Ils ont abandonné le territoire
il y a plus d'un demi-siècle à la faveur d'une
vie plus confortable dans la communauté de leurs semblables
réunis dans les villes plus au sud. Les rares maisons
sont encore utilisées en été, quand les
islandais s'y rendent pour renouer avec la nature.
Cap enfin sur Reykjavik où notre prochain équipage
nous attend dans quelques jours. Histoire à suivre...
Distance parcourue depuis Torshavn : 740 milles nautiques
Etape
2 : Arrivée en Islande (6 juillet 2015)
Nous voici bien arrivés à Eskifjordur sur la
côte Est de l'Islande après une traversée
rapide depuis l'archipel des Féroé par grand
frais. Premier mot du capitaine du port: 'Welcome to Iceland'
... les 5°C contrastent avec la période de canicule
qui s'abat en ce moment sur Genève. Plus besoin de
frigo; le beurre stocké dans la cale du bateau est
dur comme s'il sortait d'une glacière. L'eau est à
5°C. Il neige à 500m d'altitude.

Nanuq naviguant à pleine puissance
par grand frais (extrait vidéo Kalle Schmidt - en train
de prendre une énorme douche)
Il souffle un vent du Nord frais et froid, inhabituel pour
cette période - il faudra patienter jusqu'à
samedi pour la bascule prévue au NE. Après le
passage et la bénédiction des douanes nous bondissons
sur le sol dur et stable. Randonnée alpine sauvage
sur les sommets encore enneigés des environs (800-1000m
d'altitude) pour les uns, d'autres préfèreront
l'exploration du village et du Wifi local, suivi d'un bain
thermal de plein air à l'Islandaise ... sauna et bassins
au choix de 34 à 42°C. En fin de journée
l'équipage est fatigué et ravi!

Terre en vue / atterrissage Islande
côte Est / rando au-dessus de Eskifjordur (photos Kalle
Schmidt)
Petits contretemps aussi: Durant la traversée nous
avons heurté un objet flottant à pleine vitesse
(10nd) et endommagé la dérive bâbord ...
heureusement on peut s'en passer, même si les bords
de près tribord-amures seront moins bons. Les habitants
d'Eskifjordur font leur possible pour essayer de trouver une
solution ... ce sera probablement pour Reykjavik.
Distance parcourue depuis Torshavn : 300 milles nautiques
Des nouvelles bientôt ...
ETAPE
1 : 820 milles : équipage 11 : 9 jours |
 |
Source fond : Atlas du Canada
- La région circumpolaire Nord - atlas.gc.ca
|
Le
voyage commenci ici : Copenhague - Îles Féroé
(6 juillet 2015)
A présent Nanuq taille sa route en Mer du Nord, cap
sur Fair Isle, île à mi-chemin entre les Shetland
et les Orkades, au Nord de l'Ecosse. Après une montée
express du Kattegat, une traversée du Skagerrak au
près serré, notre équipage est à
amariné, ou presque... une brève escale sur
la côte Sud de la Norvège nous permet d'attendre
la bonne fenêtre météo tout en nous dégourdissant
les jambes.

Crew Nanuq et ses principaux supporters
à Copenhague / en route enfin - Peter et Christian
à la barre (photos Kalle Schmidt)
Fair Isle est un lieu magique surgi de nulle part. Les Vikings
qui sillonnaient les mers du Nord l'appelaient "l'île
paisible" - l'équipage ressent clairement cette
appellation. Parmi les dizaines d'espèces d'oiseaux
qui y nichent, l'équipage part à l'exploration
par petits groupes suivi d'une douche chaude et d'une bière
fraîche à l'observatoire ornithologique.
Trois jours plus tard:
Nous voici bien arrivés à Torshavn aux îles
Féroé. Premier geste en arrivant : de la morue
en abondance et un magnifique filet de saumon offert à
l'équipage. Copenhague et les préparatifs à
Limhamn en Suède semblent déjà si loin,
alors que les derniers préparatifs sont encore en cours:
acheminement de matériel scientifique pour les missions
à venir, réexpédition de paquets égarés
par les transporteurs... 1001 tâches pour parfaire ce
qui nous accompagnera durant une année coupée
du monde car il sera impossible d'improviser ce qui n'aura
pas été prévu!
Enfin, changement d'équipage: premiers départs
et nouveaux arrivés, des échanges riches et
'colorés' autant avec les personnes à bord en
nous découvrant peu à peu, mais aussi des rencontres
spontanées: pour la plupart des voiliers rencontrées
(une poignée), des programmes de navigation 'grand
nord' et des personnes intéressantes et attachantes.
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