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                      | RAPPORT 
                        FINAL - THE PASSIVE IGLOO PROJECT |   Le passive igloo - fin de l'hiver, Nanuq Groenland, printemps 
                    2016 (photo Peter Gallinelli)
   The 
                    passive igloo project Retour 
                    d'expérience d'un hiver arctique dans un habitat passif 
                    en autonomie complète Peter 
                    Gallinelli Association ACAPELA, Genève, Suisse 
                    © 2017 
 Table des matières 
 
 Résumé L'objectif du passive igloo project consite à 
                    explorer les possibilités de réaliser un habitat 
                    écologique en faisant appel à des mesures constructives 
                    judicieuses et des ressources énergétiques renouvelables 
                    pour garantir le confort thermique dans des conditions climatiques 
                    de grand froid le plus sévère. Le l'igloo 
                    passif est un module d’habitation autonome sur 
                    le plan énergétique qui équipe un voilier 
                    d'exploration polaire pour y accueillir un équipage 
                    de 2 à 6 personnes dans des conditions de grand froid 
                    pour y habiter et travailler. Dans le but de tester l'igloo 
                    passif, le bateau a été volontairement 
                    pris dans la glace au Nord-Ouest du Groenland durant l'hiver 
                    2015-2016 et monitoré pendant les 10 mois de 'navigation 
                    stationnaire'.  L'iglou passif, l'espace de vie principal 
                    (photo Dorothée Adam)
 La preuve a été apporté qu'il est possible 
                    de créer un habitat quasi autarcique sur le plan de 
                    l'approvisionnement en énergie tout en restant simple 
                    et abordable et ceci même en climat Arctique. Le plus grand imprévu était l'absence de vent 
                    qui aurait dû être la principale source d'énergie 
                    durant la nuit arctique. Néanmoins l'expérience 
                    a pu être menée à bien et cet imprévu 
                    a permis de mettre en évidence que quand un système 
                    se suffit de très peu pour fonctionner il est intrinsèquement 
                    résilient, donc sûr. Par nécessité, le passive igloo project 
                    dépasse le thème de l'autonomie énergétique 
                    au sens strict et aborde aussi des aspects complémentaires 
                    non moins vitaux comme la nourriture, l'eau ou la gestion 
                    des déchets. Il en devient un laboratoire d'autonomie 
                    des plus complets. 
 
 Lieu et climat Localisé à 77.5° de latitude nord, à 
                    1200 km du Pôle Nord, l'emplacement choisi pour le camp 
                    d'hiver donnait la garantie d'un hiver rigoureux avec des 
                    températures qui permettraient d'expérimenter 
                    les systèmes jusque à leur ultime limite, voire 
                    au-delà, avec des températures comprises entre 
                    -30°C et -40°C et en l'absence totale de soleil ... 
                    mais aussi l'isolement nécessaire à l'autarcie 
                    vécue et un engagement total nécessitant de 
                    rendre les systèmes parfaitement fiables.  Fond de carte : NASA bluemarble (C)
 Le graphique 
                    ci-dessous montre les températures de l'air de mi-septembre 
                    à juin :  Graphique hiver 2015-2016; vue d'ensemble 
                    températures d'air intérieur et extérieur; 
                    HD : degrés jours 20/12 = 11800 dK; T-cabine/-3 = 7200 
                    dK; à titre de comparaison en Europe centrale / suisse 
                    on dénombre ~3000 degrés jours.
 Durant l'hiver, la température de l'eau de mer était 
                    de quasiment constante de -1.6°C, sous la banquise. Etant donné les très basses températures, 
                    l'air était extrêmement sec ce qui limite les 
                    chutes de neige, 20cm cumulées du début de l'hiver 
                    jusqu'au mois de mars. Seulement avec le réchauffement 
                    du printemps, les chutes de neige ont ajouté 30cm au 
                    mois d'avril. A l'emplacement du camp d'hiver, les vents étaient 
                    les plus forts entre septembre et octobre, ponctués 
                    de violentes tempêtes avec des vitesses supérieures 
                    à 70 noeuds. Globalement, les vents restaient cependant 
                    faibles et n'auraient pas pu constituer une source d'énergie 
                    suffisante et fiable. Nous subissions en partie la contradiction 
                    entre trouver un emplacement sûr pour le bateau, donc 
                    abrité, et en même temps exposé pour faire 
                    fonctionner les éoliennes. Situé bien au-dessus du cercle polaire Arctique, le 
                    soleil est totalement absent de fin octobre à mi-février 
                    et malgré des crépuscules importants, l'énergie 
                    solaire durant cette période est nulle. Cette absence 
                    est cependant compensée par une période estivale 
                    de quatre mois durant laquelle le soleil ne se couche plus, 
                    associé à un temps clair et bénéficiant 
                    d'une forte réverbération en raison de la glace 
                    et la neige, propice à l'utilisation de l'énergie 
                    solaire.  Crépuscule et soleil à 
                    Qeqertat - axe horizontal = date; axe vertical = heure (application 
                    'twilight' - Peter Gallinelli)
 
 
 Campagne de mesures Afin d'apporter des éléments non seulement 
                    qualitatifs, mais aussi quantitatifs, une instrumentation 
                    de mesure a été embarquée. Elle était 
                    composée de deux centrales d'acquisition automatiques 
                    de type Campbell CR1000 équipées de capteurs 
                    ad-hoc et d'un microcontrôleur.  La station météo à 
                    la fin de l'hiver; la glace cède progressivement (photo 
                    Peter Gallinelli)
 Extérieur - station météo : 
                    température de l'airrayonnement solaire global horizontal et réfléchi 
                      (albédo) température de la glace (surface) et de l'eau à 
                      3m sous la surfaceflux de chaleur par la banquiseforce et direction du vent Intérieur : 
                    températures de l'air cabine, cale, chambrestempératures aux entrées et sorties du système 
                      de ventilationhumidité relative de l'air de cabinecapteur de flux (mobile)débitmètre chauffagecapteur CO2 ponctuelpression atmosphérique Les conditions extrêmes de déploiement ont eu 
                    pour conséquence plusieurs pannes d'alimentation électrique 
                    et trous de mesure consécutifs. Le milieu marin ne 
                    permettait pas de déployer toutes les sondes durant 
                    la totalité du séjour (station météo). 
                    En particulier le froid rendait toute installation et mise 
                    au point extrêmement difficiles. 
 Les systèmes  
 Isolation thermique : 66% de l'énergie 
                    consommée correspondant aux pertes de chaleur par transmission 
                    thermique  L'isolation de la cabine est constituée d'un noyau 
                    structurel en mousse de polystyrène graphitée 
                    spécialement formulée pour le projet. Elle est 
                    prise en sandwich entre deux peaux en fibre de verre et résine 
                    époxy constituant ainsi un élément à 
                    la fois structurel et isolant sans ponts thermiques. La valeur 
                    U de ce sandwich est de 0.12 W/(m²K), un strict minimum 
                    sur le plan thermique et un strict maximum sur le plan de 
                    l'habitabilité particulièrement contrainte sur 
                    un bateau, notamment pour la hauteur de cabine.  Iglou passif pendant la construction. 
                    L'isolation remplit à la fois un rôle d'isolant 
                    thermique et structurel. Epaisseur 200mm.
 Les vitrages répondent au compromis d'une visibilité 
                    suffisante en navigation, quand il fait chaud, et réduite 
                    au maximum pour limiter les pertes de chaleur, car malgré 
                    leur excellente qualité avec une valeur U de 0.5 W/(m²K), 
                    leur performance reste quatre fois moins bonne que celle des 
                    superstructures alentour. Constitué d'un triple vitrage 
                    avec deux couches sélectives et un remplissage au gaz 
                    inerte, ils doivent également résister à 
                    des contraintes mécaniques élevées (navigation), 
                    impacts, et disposer d'un collage adapté au froid extrême.  Triple-vitrage feuilleté utilisé 
                    pour les fenêtres. Epaisseur 60mm.
 Malgré l'excellente qualité des vitrages, le 
                    fait de couper le chauffage durant la nuit avait pour conséquence 
                    la formation de givre sur les vitrages, quand la température 
                    dans la cabine passait en-dessous de 5°C en fin de nuit. 
                    Plutôt que de chauffer, ce phénomène a 
                    pu être résolu en recouvrant les fenêtres 
                    de 20-40cm de neige, à la manière d'une couverture 
                    isolante. La conductibilité thermique de la neige a 
                    été mesurée à 0.1W/(mK), ce qui 
                    revient à ajouter environ 10 cm d'un isolant conventionnel.  Neige : une addition efficace et gratuite. 
                    Conductibilité thermique lambda = 0.1 W/(mK). Epaisseur 
                    20-40cm. Photo au printemps (photo Peter Gallinelli)
 Zonage thermique : Les sacs de couchage étant confortables jusqu'à 
                    -20°C, les chambres étaient prévues non-chauffées. 
                    Cependant la formation importante de condensation et de givre 
                    nous a contraints à les inclure dans la zone chauffée, 
                    occasionnant des pertes de chaleur supplémentaires. 
                    Malgré cette précaution, l'isolation moins forte 
                    des chambres a fait apparaître des points de condensation 
                    dès que la température extérieure passait 
                    durablement en dessous de -15°C, principalement dans les 
                    angles extérieurs et sous les matelas. Le zonage thermique 
                    ne pouvait être que modéré. Dans notre 
                    cas la température dans les chambres était en 
                    moyenne 5°C en-dessous de la température dans la 
                    cabine avec une forte stratification verticale.  La même raison peut être invoquée pour 
                    expliquer pourquoi les sas d'entrée non-chauffés 
                    ne fonctionnent pas par grand froid. Il sera décrit 
                    au chapitre ventilation.  Projet de zonage thermique
 Eau de mer: La coque, immergée dans l'eau de mer relativement 
                    chaude (-1.6 °C) bénéficiait d'un apport 
                    de chaleur. En l'absence d'occupation et d'activités 
                    à bord, la température d'équilibre dans 
                    la cabine se stabilisait à -10°C pour une température 
                    extérieure de -20 à -25°C (voir voyage à 
                    Qaanaaq). L'effet était le plus remarquable en début 
                    d'hivernage avec une température de la zone tampon 
                    (cale) près de 0°C, s'abaissant progressivement 
                    à -10°C au fur et au mesure que la banquise gagnait 
                    en épaisseur (près de 2m autour du bateau) et 
                    que la coque était poussée hors de l'eau (50cm), 
                    voir T_bilge du graphique de température. La coque 
                    jouait un rôle de bouchon isolant: même à 
                    la fin de l'hiver la quille se trouvait encore en eau liquide. Conclusion : Parmi tous les systèmes, l'isolation 
                    thermique était le préalable de réussite 
                    le plus fondamental du projet. C'est un système peu 
                    spectaculaire mais le seul qui a fonctionné sans intervention, 
                    sans bruit, et la plupart du temps sans même y penser. 
                    Il a été facile de l'améliorer avec des 
                    matériaux locaux, la neige, gratuite et abondante. 
                    Sans isolation renforcée les autres systèmes 
                    réunis auraient été incapables à 
                    faire face à la rigueur des éléments. 
 
 Ventilation : 28% de l'énergie consommée 
                    correspondant aux pertes de chaleur par ventilation Le schéma ci-dessous illustre l'installation avec 
                    la prise d'air frais et préchauffage par eau de mer 
                    (tube immergé) à gauche, le récupérateur 
                    de chaleur à plaques (au milieu) et la cabine chaude 
                    en haut. La nomenclature des sondes de température 
                    sera utilisée dans les graphiques plus loin.  Installation en exploitation : exemple 
                    de valeurs instantanées, journée d'hiver typique 
                    au mois de décembre.
 Un système de ventilation efficace doit permettre 
                    d'aérer abondamment tout en conservant la chaleur. 
                    Pour répondre à ce paradoxe un échangeur 
                    de chaleur récupère la chaleur de l'air extrait 
                    pour préchauffer l'air frais. Un échangeur à 
                    plaques spécialement adapté pour un fonctionnement 
                    en milieu marin a ét utilisé.    Un échangeur à plaques 
                    à contre-courant: rendement 80%, avec condensation 
                    90% (données Klingenburg)
  Deux précautions simples ont permis d'assurer son 
                    bon fonctionnement malgré les conditions de grand froid 
                    où l'échangeur aurait rapidement givré, 
                    se serait colmaté et serait devenu inutilisable : 
                    le préchauffage de l'air froid par un tube immergé 
                      dans l'eau de mer, relativement chaude (-1.6°C), etun by-pass diminuant le débit d'air frais passant 
                      par l'échangeur pour le maintenir à une température 
                      positive; le déficit d'air passant par les fonds 
                      tempérés du bateau avant de s'infiltrer dans 
                      les chambres. A défaut d'un anémomètre 
                      opérationnel, la part déviée par le 
                      by-pass a été évaluée à 
                      20% du volume d'air renouvelé (observation du clapet 
                      de régulation). Le système de ventilation a été réglé 
                    de manière à récupérer la chaleur 
                    sensible et latente (par condensation). Le débit de 
                    ventilation a été régulé de manière 
                    automatisée sur l'humidité relative de l'air 
                    dans la cabine avec une ventilation minimale en deçà 
                    de 50% et maximale dès 80% d'humidité relative, 
                    rarement atteint (cuisson aliments). Un monitoring ponctuel 
                    du taux de CO2 permettait une vérification indicative 
                    de la qualité de l'air, à la limite normative 
                    supérieure (1500 à 2000 ppm; de jour, hors cuisine). La géométrie du système de ventilation 
                    a dû être adaptée pour éviter la 
                    formation de givre et de glace, notamment avec un renvoi des 
                    eaux de condensation dans un récipient hors gel.. Etant 
                    exposé à l'air extérieur très 
                    froid, la sortie d'air a également dû être 
                    adaptée. Le tube immergé s'est montré thermiquement 
                    très efficace, mais mécaniquement insuffisant 
                    pour résister aux fortes contraintes imposées 
                    par la glace et a été déchiré 
                    avant la fin de l'hiver. C'est un point à améliorer. 
                    Dans le cas d'une construction terrestre, ce tube serait enterré. 
                    Ce système est communément connu sous le nom 
                    de 'puits canadien'. Il est réellement utile quand 
                    on fait fonctionner le système de récupération 
                    à des températures inférieures à 
                    -5°C.  Chantier du tube de préchauffage 
                    d'air par l'eau de mer avant immersion. Les pierres servent 
                    de lest pour faire couler le tube : diamètre 70mm, 
                    longueur immergée 20m (photo Kalle Schmidt)
 Les graphiques ci-dessous montrent les températures 
                    aux entrées et sorties de l'échangeur: T_air : température de l'air extérieur (bleu)T_ext : air après tube immergé, à l'entrée 
                    de l'échangeur (violet)
 T_int : air intérieur, dans la cabine (rouge)
 T_out : air usé expulsé de l'échangeur 
                    (gris)
 T_in : air à la sortie de l'échanger, tel que 
                    soufflé dans la cabine - hors by-pass (bleu clair)
  Graphique vue d'ensemble du système 
                    de ventilation : légende voir schéma ci-dessous...
 a) gain en température du tube immergéb) gain du système de récupération
 c) tube immergé en panne à partir de fin février
  Graphique extrait sur une semaine début 
                    janvier : légende voir schéma ci-dessous...
 Remarque: le by-pass n'étant pas relié au tube 
                    d'entrée d'air dans la cabine la panne du tube immergé 
                    ne se répercute pas sur les mesures de température. Contrairement au projet initial consistant à utiliser 
                    la chaleur résiduelle à la sortie du système 
                    de récupération pour produire de l'eau potable 
                    à partir de glace ou de neige (cf. schéma ci-dessus), 
                    la température de sortie était proche de 0°C, 
                    trop basse pour fournir ce service. En contrepartie l'eau 
                    de condensation était collectée dans l'échangeur 
                    et utilisée pour le lavage des mains. Sas d'entrée et gestion des entrées d'air froid 
                    par ouverture de porte : Pour limiter les entrées d'air froid le projet initial 
                    prévoyait une entrée d'hiver à la façon 
                    d'un tunnel d'iglou. L'accès devait être protégé 
                    par une tente. Après les violentes tempêtes, 
                    les tentes sont restées dans leurs sacs. Il s'est aussi 
                    avéré que dans les climats très froids 
                    un sas d'entrée ne peut être utilisé pour 
                    stocker des habits. Ceux-ci doivent sécher à 
                    toute occasion dans la zone chauffée, car même 
                    si on évite la transpiration, l'accumulation d'humidité 
                    est inévitable, rendant chaussures et habits peu à 
                    peu inefficaces. Nous avons donc continué à utiliser la porte 
                    d'entrée isolée habituelle, toutefois réduite 
                    à une ouverture minimale de 60x60cm² située 
                    près du sol, évitant ainsi de laisser s'échapper 
                    l'air chaud de la cabine à chaque ouverture. Gestion de la vapeur d'eau : La cuisinière à gaz (propane) et la cuisine 
                    sont une source importante de vapeurs et d'odeurs. Aussi, 
                    afin de réduire une surventilation, nous avons opté 
                    pour une cuisson à basse température, couvercle 
                    fermé autant que possible et une utilisation systématique 
                    de la cocotte-minute. Gestion des odeurs : Pour préserver la qualité de l'air nous avons 
                    renoncé au traditionnel éclairage à pétrole 
                    que l'on trouve sur nombre de voiliers ... et dans les maisons 
                    groenlandaises. Les toilettes sont équipées 
                    d'une aspiration dans la cuve de compostage ce qui élimine 
                    les odeurs incommodantes à la base. Conclusion : Une parfaite étanchéité 
                    de l'habitacle (sur un bateau cela va de soi) est indispensable 
                    pour éviter les infiltrations d'air froid. Cette étanchéité 
                    va de pair avec un système de ventilation, car la qualité 
                    de l'air est primordiale pour la santé des occupants, 
                    en particulier dans des espaces confinés. Nous avons 
                    pu montrer qu'un système de récupération 
                    à plaques peut être adapté aux conditions 
                    de grand froid et rendre de précieux services. 
 
 Chauffage Mi- saison : Le graphique suivant montre le régime 
                    de chauffage pour la fin du mois de mai où nous avions 
                    des conditions climatiques comparables aux hivers Européens 
                    avec des températures comprises entre -5°C et +5°C. 
                    Durant cette période, un bref allumage du chauffage 
                    au moment du réveil permettait de monter la température 
                    de cabine de 13°C à 19°C pour se stabiliser 
                    naturellement autour de 20°C durant la journée. 
                    Dans des conditions où nous ne nous privions d'aucun 
                    confort c'est une excellente nouvelle et sans doute la plus 
                    importante.  Graphique du 17 mai au 6 juin 2016, 
                    une période avec des températures comparables 
                    à l'hiver européen, comprises entre -10°C 
                    et +3°C.
 Hiver : Malgré un début d'année exceptionnellement 
                    doux, la température moyenne était de -26°C 
                    pour les mois de décembre à mars compris dont 
                    trois semaines avec des températures comprises entre 
                    -30° et -40°C. Durant l'hiver 2015/2016 le Groenland 
                    a été balayé par de nombreuses tempêtes, 
                    à l'exception de la région de Qeqertat qui s'est 
                    trouvé sous un calme des plus complets. Ainsi, de notre 
                    chauffage principal fonctionnant au courant éolien, 
                    il a fallu passer au plan B et puiser dans nos réserves 
                    de carburant de propulsion pour faire fonctionner le système 
                    de secours, un chauffage à air pulsé prévu 
                    pour sécher la cabine en navigation. La régulation 
                    se fait par thermostat. Le rendement est de 80%.  Graphique hiver 2015-2016; vue d'ensemble 
                    températures d'air intérieur et extérieur 
                    et énergie de chauffage quotidienne
 Malgré le manque de vent persistant et le mauvais 
                    rendement de combustion, la consommation de chauffage pour 
                    l'hiver s'élève à seulement 
                    330 litres de gasoil. Ceci représente une fraction 
                    des maisons groenlandaises de la région (5-10 fois 
                    moins). A la lumière de ce constat, même par 
                    grand froid et sans soleil, l'objectif d'autarcie énergétique 
                    complète est parfaitement atteignable, avec des éoliennes 
                    fonctionnant dans des conditions moyennes, associées 
                    à une pompe à chaleur(*). (*) non-embarquée en raison de limitations 
                    de budget. Les graphiques suivants détaillent les consommations 
                    (à gauche) et les sources d'énergie (à 
                    droite) représentés en énergie finale 
                    (avant conversion) et utile (effectivement utilisée) 
                    : 
                     
                      |  Graphique énergie par service
 |  Contributions de chaleur [*] énergies 
                          payantes, polluantes en rouge-orange, énergies 
                          propres et gratuites en nuances de verts et jaune |  On observe la quasi-absence d'énergie éolienne 
                    et solaire ainsi que le mauvais rendement de production d'électricité 
                    (voir explications plus bas). Une contribution significative, 
                    a été la chaleur produite par les occupants. 
                    En exploitation courante, 2 à 3 personnes vivaient 
                    à bord. Lors des fortes fréquentations, par 
                    exemple lors des visites où 6 à 8 personnes 
                    se trouvaient à bord, le chauffage s'arrêtait 
                    systématiquement, même par grand froid. Enfin, le simple fait d'arrêter le chauffage durant 
                    les heures de sommeil a permis d'économiser ~1/4 des 
                    besoins de chauffage. Ainsi nous bénéficions 
                    d'une température confortable durant la journée, 
                    proche de 20°C, et d'un sommeil confortable par 0 à 
                    5°C dans des sacs de couchages épais* (voir graphique 
                    ci-dessous). (*) modèle confort à -20°C  Graphique extrait de températures 
                    d'une semaine au mois de mars: températures, puissance 
                    et énergie de chauffage.
 
 Signature énergétique La signature énergétique caractérise 
                    le besoins d'énergie en fonction de la météo 
                    et permet de définir la température à 
                    partir de laquelle un chauffage d'appoint est requis. Elle 
                    est obtenue en mettant en relation puissance ou énergie 
                    de chauffage et température moyenne journalière 
                    extérieure, cf. graphique ci-dessous.  Par grand froid les relevés montrent qu'une puissance 
                    de 300W par occupant est nécessaire pour assurer le 
                    confort; 50W par occupant suffisent pour les périodes 
                    de climats comparables à ceux d'Europe centrale. C'est 
                    très peu et pourrait facilement être couvert 
                    par des énergies renouvelables, ce qui mène 
                    directement à l'autarcie énergétique. La courbe de tendance (droite) place la température 
                    de non-chauffage à l'intersection avec l'abscisse, 
                    à +4°C. Dans la pratique, au-dessus de 0°C 
                    de température moyenne journalière, plus aucun 
                    chauffage n'était requis. Pour mémoire: la température 
                    moyenne des hivers en Europe centrale est supérieure 
                    à 0°C!  Graphique : températures moyennes 
                    journalières versus puissance de chauffage moyenne 
                    journalière par occupant.
 La performance du passive igloo est mise en relief 
                    en la comparant à une maison construite selon les normes 
                    en vigueur en Suisse (valeurs limite selon norme SIA 380/1) 
                    : 
 SIA Genève correspond à une maison 
                    de surface habitable équivalente au passive igloo 
                    construite selon la norme dans le climat de Genève; 
                    SIA Thulé est la même maison en climat arctique. 
                    Elle est assez représentative des petites maisons groenlandaises 
                    importées du Danemark. SIA Genève 150m² correspond à 
                    une maison dont la surface habitable respecte la préconisation 
                    de la norme pour 2.5 habitants; SIA Thulé 150m² 
                    est la même maison en climat arctique. Conclusions : Construit selon les principes de la 
                    maison passive en climat tempéré, le passive 
                    igloo a pu montrer qu'un chauffage actif n'y est pas nécessaire. 
                    Un point chaud temporaire reste cependant souhaitable en permettant 
                    de répondre aux besoins ponctuels d'ordre physiologique 
                    ou psychologique. En première approche, l'isolation 
                    devrait limiter les pertes par transmission à 100 W/habitant. 
                    La valeur U moyenne de l'enveloppe du bâtiment est obtenue 
                    en divisant cette valeur par la différence entre température 
                    intérieure et moyenne de la semaine la plus froide 
                    (hiver) et la surface d'enveloppe par habitant. 
 
 Electricité : 4% de l'énergie 
                    consommée Bien sûr le bateau ne pouvait être raccordé 
                    à aucun réseau électrique. La disponibilité 
                    restreinte d'énergie électrique nous a contraints 
                    à soigneusement optimiser notre ménage électrique 
                    : usage attentif et sobre, élimination des consommateurs 
                    inutiles et parasites, recharge des appareils nomades seulement 
                    durant les périodes de disponibilité, utilisation 
                    basse tension directe dans la mesure du possible, sinon par 
                    onduleur à haut rendement allumé ponctuellement 
                    (standard terrestre 230V AC). La consommation quotidienne a ainsi pu être limité 
                    à seulement 0.5 kWh pour un 'ménage' de deux 
                    à trois personnes, ce qui comprend l'éclairage 
                    fixe (quasi-permanent) et mobile (frontales à accu), 
                    le système de ventilation, l'électricité 
                    requise par le chauffage à air pulsé, les instruments 
                    scientifiques, deux ordinateurs, la musique et divers appareils 
                    nomades détaillé ci-dessous.  Graphique bilan électrique quotidien 
                    (hiver)
 En parfaite autonomie les systèmes suivants ont contribué 
                    à fournir l'énergie électrique nécessaire 
                    à nos différents besoins :  
                     Consommation électrique pour 
                      la période d'octobre 2015 à juin 2016
 Vue d'ensemble du système électrique : 
                    vent : éolienne bipale triphasée 1.5kW, 
                      24V + une éolienne identique en back-up soleil : 4 panneaux de 50 Wp monocristallins, 12V avec 
                      régulateur MPPT (maximum power point tracker) back-up (GO électricité) : alternateur 
                      sur moteur de propulsion 24V, 30A (point à améliorer) accumulateurs : plomb, électrolyte liquide 6x 
                      4V 550Ah@C20, montage en série 
 Back-up :  En l'absence de vent et de soleil (nuit arctique d'octobre 
                    à février) il nous a fallu utiliser l'alternateur 
                    du moteur de propulsion pour un complément de charge 
                    quasi-quotidien de 30 à 45 minutes à 700W... 
                    une façon très peu efficace pour produire du 
                    courant électrique, soit une centaine de litres gaspillés. 
                    Il aurait été préférable de produire 
                    ces mêmes kWh avec un système couplage chaleur-force, 
                    CCF, c'est à dire un petit électrogène 
                    dont on valorise la chaleur de combustion pour le chauffage. 
                    La difficulté inhérente à ces systèmes 
                    sont la nécessité de trouver des très 
                    petites puissances, de l'ordre de 500W thermiques et leur 
                    fiabilité restrainte. Avec le retour du soleil c'était l'abondance. La petite 
                    centrale photovoltaïque produisait largement de quoi 
                    couvrir tous les besoins. Dès ce moment, la cuisine 
                    était préparée sur une plaque à 
                    induction, remplaçant avantageusement la cuisinière 
                    à gaz. S'agissant d'une consommation sur des excédents 
                    de production, cette consommation n'apparaît pas dans 
                    la comptabilité ci-dessus.  Potentiel solaire capteur orienté 
                    s au Sud, inclinés de 60° de l'horizontale, région 
                    de Thulé (application twilight, 
                    modèle ciel clair)
 Conclusions : Sans électricité, peu 
                    de systèmes actuels fonctionneraient. En quantité 
                    absolue, l'électricité représente peu 
                    d'énergie pour peu qu'elle soit produite et consommée 
                    avec intelligence. Pour assurer une production autarcique 
                    une bonne complémentarité des ressources est 
                    nécessaire. L'anticipation et la connaissance préalables 
                    sont particulièrement importantes. Cette connaissance 
                    nous faisait défaut; pour la région qui nous 
                    concerne elle n'existait tout simplement pas. Malgré 
                    ces inconnues, deux tiers de nos besoins électriques 
                    ont pu être couverts par du renouvelable conventionnel 
                    (éolien et photovoltaïque). 
 Vie courante 
 Cuisine, eau et eau chaude : 1.5% de l'énergie 
                    consommée La cuisson et l'eau chaude se faisait au choix sur une plaque 
                    à induction ou une cuisinière à gaz alimentée 
                    par du propane liquide en bouteilles. Le pain était 
                    cuit une fois par semaine dans un four à gaz conventionnel. 
                    En raison de la disponibilité d'électricité 
                    limitée la plaque à induction n'a été 
                    que peu utilisée durant hiver. L'essentiel de l'énergie 
                    provenait de notre stock de gaz, soit une consommation de 
                    deux bouteilles de 10kg. A noter une fuite de gaz passée 
                    inaperçu qui nous a coûté une bouteille 
                    supplémentaire. Du carburant solide ou liquide serait 
                    plus fiable, mais moins commode. Notes concernant l'optimisation de la cuisson : Parmi les mesures d'efficacité, nous avons mis en 
                    place un mode de cuisson qui permettait de significativement 
                    réduire la consommation de gaz tout en évitant 
                    la production inutile de vapeur d'eau. A ce titre la cocotte-minute 
                    s'est montrée indispensable. C'est à ce niveau 
                    que la consommation peut être réduite d'un facteur 
                    2 à 4. L'énergie étant comptée, il y avait 
                    lieu d'en faire le meilleur usage. Pour le savoir, nous avons 
                    réalisé des essais comparatifs pour porter 1 
                    litre d'eau froide à ébullition. La chaleur 
                    théorique s'obtient par le calcul.  Avec un rendement de 85% la cuisson par induction s'est avéré 
                    très intéressante. Ce mode de cuisson est destiné 
                    par excellence au courant renouvelable (vent, soleil, …) 
                    dès que disponible localement et en abondance. C'était 
                    notre cas - quand il y avait du vent ou du soleil. Lors de 
                    l'approvisionnement électrique il convient de penser 
                    aux pertes de stockage (batteries ~70%) et conversion (onduleur 
                    ~90%). Quand le courant est d'origine thermique (centrale 
                    ou groupe électrogène), les nombreuses transformations 
                    rendent ce système peu efficace (15%-20% de rendement 
                    thermique global) et techniquement fragile (irréparable 
                    avec des moyens du bord). Le rendement du gaz n'était que de 15%, mais l'intégralité 
                    de la chaleur issue de la cuisine était profitable 
                    au chauffage. Au final une pas si mauvaise solution. Nous 
                    avons aussi testé les différentes plaques (différents 
                    diamètres et puissances), pour associer à chaque 
                    casserole le feu qui avait le meilleur rendement; une petite 
                    casserole sur un grand feu fait passer les flammes à 
                    coté; à l'inverse une grande casserole sur un 
                    petit feu allonge le temps de cuisson de manière disproportionné. 
                    Gain 10%. La bonne casserole: Induction: utiliser de préférence une casserole 
                    légère avec un fond obligatoirement adapté 
                    (ferreux). Il est possible d'envelopper la casserole dans 
                    une couverture, même lors de la cuisson. Gain 10%-20%. Gaz: utiliser de préférence une casserole en 
                    fonte qui récupère une partie de la chaleur 
                    perdue sur les bords et évite de les bruler (conduction 
                    thermique par les bords). Gain 10-15%. L'eau: La possibilité de trouver de l'eau potable liquide 
                    dans un lac à proximité était précieuse 
                    en évitant la nécessité de faire fondre 
                    de la glace, un procédé très énergivore. Il n'y avait pas d'eau courante, ni froide ni chaude. La 
                    douche se faisait à l'aide d'une lavette et d'une bassine 
                    remplie d'eau chaude: simple, efficace, économe. Des 
                    savons naturels limitent la consommation d'eau. En tout, la consommation d'eau s'élevait à 
                    5-6 litres par personne et par jour, dont une bonne partie 
                    pour les boissons chaudes et froides pour nous hydrater en 
                    raison de l'air très sec de l'Arctique. L'eau était approvisionnée une à deux 
                    fois par semaine et stockée dans un fût en PE 
                    de 80 litres, stocké dans la zone chauffée, 
                    hors gel. En appoint, des glaçons y étaient 
                    mis à fondre pour rallonger les intervalles de collecte 
                    d'eau. Celle méthode est directement inspirée 
                    des us et coutumes locales. Conclusions : Le potentiel de gain d'efficacité 
                    est très grand. Cependant, la cuisson représente 
                    une part faible des consommations dans leur ensemble. Le choix 
                    d'un matériel adapté et des bonnes habitudes 
                    suffisent. 
 
 Linge : 1.5% de l'énergie consommée Durant les premiers temps, coupés du monde, nous faisions 
                    la lessive à bord, en petites quantités pour 
                    permettre un séchage dans la cabine chauffée. 
                    Une fois la liaison rétablie avec le village nous profitions 
                    de la laverie communale. 
 
 Gestion des déchets et toilettes La gestion des déchets a été abordée 
                    tout d'abord en favorisant les conditionnements en vrac ou 
                    en grande quantité limitant ainsi la quantité 
                    d'emballage. Ensuite par un tri sélectif rigoureux: 
                    verre, métal, papier, incinérables et matières 
                    organiques. Le plus important était une séparation rigoureuse 
                    des matières organiques du reste, la condition préalable 
                    pour permettre un stockage dans la durée sans être 
                    incommodé par le développement de mauvaises 
                    odeurs. Les toilettes sèches à compostage méritent 
                    d'être signalées car elles ont été 
                    un vrai succès. En particulier la gestion des odeurs, 
                    incomparablement meilleure qu'un WC conventionnel, était 
                    remarquable. En même temps le composteur 'mangeait' les restes de 
                    cuisine et bouts de papier et de carton d'emballage qui servaient 
                    d'apport au compostage en l'absence de matières appropriées 
                    (sciures, copeaux). Ainsi, par un tri rigoureux et la prise 
                    en charge élégante des matières compostables 
                    nous produisions moins d'un sac de 20 litres d'incinérables 
                    secs et propres par mois, pouvant être stockés 
                    indéfiniment en attendant l'escale. La vidange du composteur se faisait toutes 3-4 semaines dans 
                    un sac stocké à l'extérieur, donc immédiatement 
                    congelé. Dès le retour de l'été, 
                    le post-compostage se faisait au pied d'un rocher ensoleillé 
                    et chaud, grâce aussi à un faune opportuniste 
                    de mouches et de vers très abondante. Comparé 
                    à un système de toilettes à chasse d'eau 
                    (a), ce système aura évité de produire 
                    18'000 litres d'eaux noires problématiques à 
                    gérer à la longue. Extrapolé à 
                    12 mois cela représente moins de 200 litres de compost 
                    fertile pouvant être rendu à l'environnement 
                    en bonne conscience et 1000 litres d'urines collectées 
                    et assimilées en petites quantités dans l'eau 
                    de mer (b) - quantités pour un équipage de 2.5 
                    personnes en moyenne.  Comparatif WC (a) - TS (b) pour une 
                    année et 2.5 personnes : 1 cube = 1000 litres
 Le modèle utilisé à bord sont des toilettes 
                    sèches du marché. Elles mériteraient 
                    quelques petites améliorations d'ergonomie notamment 
                    au niveau du dispositif de séparation des urines et 
                    du bac de compostage. Reste les métaux, verres et quelques récipients 
                    en plastique. Une fois nettoyé et compacté ces 
                    matières ont été stockées et rapportés 
                    au premier point de recyclage. Le volume et le poids ne posaient 
                    aucun problème, étant dans tous les cas bien 
                    inférieur au volume initial embarqué. Conclusions : La contrainte nous a fait faire le 
                    pas vers des toilettes de compostage qui se sont révélés 
                    très adaptés malgré notre situation qui 
                    ne prédispose absolument pas à ce type de système, 
                    notamment en raison du froid qui n'est pas favorable aux processus 
                    de transformation biologique. En navigation maritime, nous utilisons 
                    néanmoins le classique système de WC marin (à 
                    chasse d'eau eau de mer), plus adapté à absorber 
                    les flux d'un équipage variable et beaucoup plus nombreux. Enfin, la notion de déchet devrait 
                    être substituée par matériaux à 
                    recycler. Géré dpuis le début c'est un 
                    faux problème. 
 
 Nourriture et plus  Avitaillement à Malmö : 
                    deuxième tiers des vivres pour une année (photo 
                    Kalle Schmidt)
 Prévoir de la nourriture pour 12 mois n'est pas une 
                    mince affaire. Cela représente près d'une tonne 
                    de vivres pouvant être conservées sur une longue 
                    durée tout en permettant un régime sain, complet 
                    et équilibré. La moitié revenait aux 
                    équipages d'été (10 personnes pendant 
                    2 mois), le solde à l'équipage d'hiver (2 personnes 
                    pendant 10 mois). N'étant pas amateurs de lyophilisé et de plats 
                    précuisinés ou de surgelés, nous nous 
                    sommes beaucoup inspiré de la cuisine traditionnelle 
                    à base de légumineux et de céréales, 
                    les plus complètes possibles. Des fruits, légumes 
                    et champignons séchés ont apporté de 
                    la variété, de même qu'un assortiment 
                    très complet d'épices. Un apport calorique important était constitué 
                    de miel, d'huile d'olive, de beurre et une grande roue de 
                    fromage. Du chou et des oignions frais ont pu être conservés 
                    jusqu'au mois de février. Avec le retour du soleil 
                    nous faisions pousser des graines à germer. Pour parer au risque d'une carence en vitamines nous complétion 
                    par une capsule vitaminée et de la vitamine D durant 
                    les mois de nuit. Enfin, un poisson ou de la chasse occasionnelle 
                    ont contribué à un régime exemplaire. 
                    La meilleure preuve: nous n'avons développé 
                    aucun fantasme culinaire... Conclusions : Des solutions simples et adaptées 
                    existent. Il faut sortir des habitudes du plat précuisiné. 
                    La conservation a été la clé de notre 
                    régime. De très nombreuses solutions existent 
                    depuis la nuit des temps. Il suffit de s'en inspirer. Extrait du carnet de bord "Aujourd'hui, 
                    le 20 juin, les denrées fraîches nous font quand 
                    même rêver. Le navire de ravitaillement arrivera 
                    dans deux semaines!" Isolement Nous étions préparés à l'isolement. 
                    Le maître mot était l'autonomie, que ce soit 
                    au niveau des connaissances pour mener à bien le projet, 
                    les aptitudes, les outils et pièces pour réparer 
                    à peu près tout. Nous avions cependant sous-estimé 
                    l'importance d'emporter des ouvrages de référence 
                    et dictionnaires. N'étant pas équipés 
                    de moyens de communication par satellite, le plus difficile 
                    était la période d'embâcle où nous 
                    étions coupés du monde durant 3 mois dont 2 
                    sans pouvoir quitter le périmètre du bateau. Obscurité Contrairement aux idées reçues, il ne fait 
                    pas nuit pendant quatre mois. Il y a de magnifiques crépuscules, 
                    le clair de lune, les étoiles, et des fois des aurores 
                    boréales pour égayer le ciel. Le tout sur fond 
                    de neige et de glace qui amplifient la lumière. Mais 
                    ce spectacle n'est visible pour celui qui n'abuse pas de l'éclairage 
                    artificiel. Ainsi nous avons vécu le retour du soleil 
                    non pas comme une libération, mais surtout comme le 
                    signe annonciateur d'un nouveau chapitre, aussi passionnant 
                    que les précédents. Voir crépuscule... 
 
 Conclusions S'il reste des points à améliorer, 
                    il en reste toujours(!), l'expérience du 'passive igloo' 
                    montre qu'il est possible de créer un habitat quasi 
                    autarcique sur le plan de l'approvisionnement en énergie 
                    tout en restant simple et abordable et ceci pour les climats 
                    les plus froids. Une excellente isolation thermique 
                    est la base d'un habitat confortable et durable. C'est un 
                    préalable incontournable si on veut se tourner vers 
                    les énergies renouvelables. C'est aussi une garantie 
                    en cas de problème d'approvisionnement car il sera 
                    facile de mettre en oeuvre des solutions de rechange. Cette expédition a été 
                    un laboratoire en milieu hostile ne permettant aucun faux 
                    pas. Par moments l'engagement était total et exigeait 
                    une fiabilité absolue des systèmes. Les seuls 
                    à être parfaitement fiables ont été 
                    les systèmes passifs, à commencer par l'isolation. Plus que des stratégies, nous 
                    avons pu expérimenter dans le détail le fonctionnement 
                    en conditions réelles de chaque sous-système. 
                    Et à tour de rôle chaque système a été 
                    poussé dans ses derniers retranchements. Enfin, le passive igloo était 
                    un scénario des plus exigeants car de petite dimension 
                    et soumis à d'innombrables contraintes supplémentaires 
                    liés au milieu marin - après tout c'est aussi 
                    un voilier. Par conséquent, ce qui a été 
                    possible pour le passive igloo l'est bien plus facilement 
                    pour un bâtiment terrestre. Et plus une construction 
                    est grande, plus il est facile d'atteindre ces objectifs car 
                    le facteur de forme y est favorable. Fort de l'expérience et d'une 
                    bonne préparation nous n'avons jamais souffert du froid. 
                    Que ce soit le bateau ou les habits, l'organisation ou les 
                    équipements pour faire face au grand froid: tout a 
                    contribué à faire de cet hiver une expérience 
                    agréable et enrichissante à chaque instant. 
                    Mais nous avons aussi appris des habitants locaux. La plus 
                    belle marque de confiance dans ce que nous faisions était 
                    de nous confier leurs enfants pour passer la nuit à 
                    bord. Aujourd'hui, nous souhaitons faire 
                    fructifier l'expérience du passive igloo, 
                    en développant le concept autour d'un habitat terrestre 
                    autarcique en Arctique ou plus près de chez nous, en 
                    haute montagne. 
 
 Comment aller plus loin? L'énergie de chauffage représente près 
                    de la moitié de l'énergie primaire importée 
                    en Suisse. La situation est comparable dans les autres pays 
                    d'Europe. Sachant la limite des énergies non-renouvelables et 
                    les effets néfastes sur l'environnement de leur consommation 
                    inconsidérée, c'est un levier important sur 
                    lequel on doit agir. Et on le peut: L'expérience du passive igloo montre qu'il 
                    est possible de réduire cette consommation de façon 
                    drastique. Cet enseignement est applicable à toute 
                    nouvelle construction sur laquelle il est en principe facile 
                    d'agir. La responsabilité de veiller à la mise 
                    en application d'une telle volonté revient à 
                    tous les acteurs: collectivités, maîtres d'ouvrage, 
                    architectes, constructeurs, exploitants, habitants. Les écoles 
                    ont un rôle important à jouer aussi. Ainsi construit, les bâtiments du futur ne seront pas 
                    seulement plus écologiques. Ils seront aussi plus résilients, 
                    à savoir aptes à s'adapter aux inconnues et 
                    surprises que nous réserve l'avenir. La condition préalable 
                    sera leur simplicité, synonyme d'économie et 
                    de durabilité. Des faibles besoins sont un préalable incontournable 
                    quand on veut se tourner vers les énergies renouvelables: 
                    il est beaucoup plus économique et écologique 
                    de réduire les besoins que de construire des fermes 
                    solaires, éoliennes, barrages ... toujours plus grands. 
                     
                      |  |   | Les flèches sur les maisons 
                          représentent les besoins en énergie pour 
                          le chauffage, l'eau 
                          chaude et l'électricité. A service égal, les mesures d'efficacité 
                          visent à réduire les besoins.  L'autonomie équivaut à substitution 
                          par des énergies renouvelables. La combinaison des deux est nécessaire pour 
                          aboutir à des maisons efficaces et abordables. La sobriété questionne nos besoins 
                          réels. Plus de qualité et moins de quantité. |  Il n'y a aucune excuse valable de ne pas rendre les bâtiments 
                    contemporains quasi-autarciques sur le plan énergétique. 
                    C'est d'autant plus urgent que ces bâtiments existeront 
                    fort probablement encore dans une génération 
                    ou deux, dans un avenir où l'énergie 'facile' 
                    sera révolue. Seulement des solutions simples et robustes, ayant un temps 
                    de retour écologique court, devront être utilisées 
                    pour y parvenir. Ces bâtiments ne se distingueront ni 
                    par leur aspect ni par leur coût de construction. Les 
                    dispositifs passifs, l'isolation en premier, ne sont ni spectaculaires 
                    ni sophistiqués. Il faut intégrer les bonnes 
                    stratégies dès le départ. Elles sont 
                    une condition de projet incontournable. Un bâtiment 
                    doit non seulement résister à la gravité, 
                    à l'usage et à l'ennui (firmitas, utilitas, 
                    venustas*), il doit aussi résister au temps et à 
                    l'avenir. [*] Vitruve: solidité, utilité, 
                    beauté La difficulté à assainir les bâtiments 
                    existants devenus obsolètes montre à quel point 
                    une vision d'avenir est importante, aussi pour assurer la 
                    pérennité des investissements immobiliers. Elle 
                    montre que nous n'avons pas le droit d'attendre. Il faut agir 
                    dès aujourd'hui. Enfin, nos bâtiments se distinguent aussi par des surfaces 
                    habitables qui ne cessent de croître. Si notre monde 
                    n'est pas encore prêt à faire des concessions 
                    sur la quantité, la sobriété deviendra 
                    un levier très important. Elle ne peut être atteinte 
                    sans fournir de la qualité. Il s'agit de cultiver la 
                    qualité avant la quantité, un changement de 
                    paradigme. Souvent la peur du changement est plus pénible que 
                    le changement lui-même. Mais ce changement est possible. 
 Peter Gallinelli, Groenland, Nanuq's cove, 
                    juin 2016 
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